Vous êtes ici : Accueil > Publications > l’accueil des marins en escale
Publié : 10 août 2015

Mission d’évaluation du réseau associatif concourant à

l’accueil des marins en escale

et d’appui à la vente des hôtels des gens de mer

MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE
Rapport CGEDD n° 008550-02, IGAM n° 2015-120

Les 21 foyers , regroupés au sein de la Fédération nationale des associations d’accueil des marins (FNAAM), sont très actifs alors qu’ils s’appuient presque exclusivement sur du bénévolat. Le bénévolat est une telle règle d’or pour ces foyers que la FNAAM n’a pas souhaité, comme le suggérait le premier rapport (pour alléger les contraintes pesant sur les bénévoles), une aide de l’État lui permettant de se structurer et de professionnaliser son rôle d’animation.
Mais l’activité étant très différente d’un port à l’autre, le nombre de marins accueillis dans les foyers est évidemment très disparate, allant de 600 marins accueillis chaque année au foyer du port de Sète à près de 40 000 marins accueillis sur les bassins Est de Marseille.

L’État a appliqué la recommandation du premier rapport lui suggérant de basculer vers les foyers d’accueil l’aide financière qu’il accordait jusqu’alors à l’AGISM pour l’hébergement hôtelier des marins. La FNAAM n’ayant pas accepté de répartir elle-même l’aide de l’État aux 21 foyers, l’administration centrale a donc été contrainte d’élaborer elle-même un système de répartition financière, fondée, pour le fonctionnement, sur le nombre de marins accueillis et réservant une part aux projets d’investissement. Cependant, il a profité de ce changement pour se désengager fortement en ce qui concerne son effort financier consacré à l’accueil des marins (384.000 € en 2012, 300.000 € en 2013 versés à l’AGISM contre 110.000 € en 2014 versés aux associations).

La mission a jugé que les effets de seuil auxquels aboutit la clé de répartition appliquée par l’État de ses crédits entre les foyers était trop brutale et donc quelque peu inéquitable. Elle estime que l’activité réelle des foyers devrait être mesurée plus finement, en tenant compte par exemple du nombre de marins visités à bord des navires et, surtout, des caractéristiques géographiques des ports, qui obligent certains foyers à faire face à des dépenses de personnel, de véhicules et de carburant assez considérables .
Pour répondre à la demande du ministre d’évaluer autant que possible la situation économique des foyers et pour éviter aux responsables des foyers de devoir consacrer une part importante de leur énergie à rechercher des financements auprès de tous les partenaires possibles, la mission a exploré certaines pistes, qui ne se sont malheureusement pas révélées très prometteuses.

La mission regrette en particulier que la volonté politique de l’État pour faciliter l’accueil des marins, malgré le fait qu’il a ratifié les recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT) en la matière, soit insuffisante pour permettre que les droits de port payés par les armateurs servent de support aux très modestes dépenses nécessitées par l’accueil des marins en escale. Elle estime en effet, comme d’ailleurs la FNAAM elle-même, que l’accueil des marins dans les foyers est finalement un service rendu aux navires, qui devrait être pris en charge par les armateurs comme les autres services portuaires. Elle estime que l’État pourrait tirer de la convention du travail maritime 2006, ratifiée par la France, le moyen juridique de financer l’accueil des marins par « des taxes ou autres droits spéciaux acquittés par les milieux maritimes », le seul moyen de financement prévu par la convention que la France n’utilise pas...
La conséquence en est que ces dépenses, qui pourraient être aisément supportées par les armateurs, car elles sont très faibles si on les compare au compte d’escale d’un navire, doivent être financées par de l’argent public, qu’il s’agisse des subventions versées par l’État, de celles versées par les ports et, parfois, des contributions des collectivités territoriales.

La mission a tenté d’explorer quelques pistes pour assurer d’autres financements aux foyers d’accueil, mais ces pistes n’ont pas donné de grands résultats. Les stations de pilotage avaient généreusement envisagé que les droits de pilotage acquittés par les navires puissent servir de véhicule à des redevances pour l’accueil des marins. Mais une telle éventualité se heurterait à des difficultés juridiques et fiscales qui semblent insurmontables.
Une autre piste pourrait éventuellement être envisagée un jour si les foyers parviennent à structurer un peu plus leur action : ils pourraient alors profiter des mécanismes prévus par la loi sur l’économie solidaire pour financer dans de bonnes conditions, en créant une ou plusieurs coopératives, celles de leurs actions qui sont (ou peuvent être) rémunérées, même si cette rémunération reste modeste. Mais, manifestement, la situation actuelle des foyers et de leur fédération ne le permettrait pas aujourd’hui.

En tout cas, la mise en place dans les principaux ports de commissions portuaires de bien-être et la signature de chartes dans les grands ports maritimes (GPM) sont des avancées majeures pour permettre que la situation, les projets (et parfois les difficultés) des foyers d’accueil soient débattus et partagés par l’ensemble de la communauté portuaire . En outre, ces instances, au plus près du terrain, sont certainement les mieux placées pour évaluer l’efficacité de l’action des foyers et, éventuellement, les nécessaires adaptations à l’évolution des besoins des marins. Il reste enfin à l’État la tâche de mettre en œuvre la démarche d’incitation des régions qui ont autorité sur les ports décentralisés pour qu’elles mettent en place, elles aussi, des chartes entre leurs concessionnaires et les associations d’accueil des marins. Il faut espérer que les régions accepteront cette incitation de l’État et qu’elles parviendront à les imposer à leurs concessionnaires (ce qui n’aurait pas été nécessaire si l’Etat avait décidé que l’accueil des marins serait supporté par les droits de port...).
L’important sera d’assurer que les financements soient équitables d’un port à l’autre.

Recommandations de niveau 1

L’État devra se tenir prêt, le cas échéant, à intervenir pour soutenir financièrement la Fédération nationale des associations d’accueil des marins et l’aider ainsi à se professionnaliser, si un jour sa structure uniquement bénévole devient trop fragile pour qu’elle assure efficacement son rôle de coordination.

La mission recommande que soit étudiée sérieusement la possibilité de faire prendre en charge le soutien aux associations d’accueil des marins dans les ports par le biais des redevances portuaires, ainsi que l’autorise la convention du travail maritime 2006 de l’OIT, ratifiée par la France.

Faute de vouloir utiliser le mécanisme des droits de port pour financer l’accueil des marins, le ministère doit, aussi rapidement que possible, sensibiliser les collectivités territoriales qui sont autorités concédantes de ports (en s’appuyant sur l’expérience menée dans les GPM avec la mise en place des commissions de bien-être et des chartes), dans l’espoir qu’elles formaliseront à leur tour un dispositif d’aide aux associations d’accueil des marins en escale dans les ports sur lesquels elles exercent une tutelle.

Recommandations de niveau 2
Le critère forfaitaire du nombre de marins accueillis devrait être corrigé, pour atténuer les inégalités qu’il provoque du fait des effets de seuil.

Pour le calcul de ses subventions, l’État devrait compléter ses critères actuels pour tenir compte d’une part des visites effectuées par les bénévoles à bord des navires et d’autre part des contraintes liées aux caractéristiques géographiques très différentes d’un port à l’autre : il devrait notamment tenir compte des kilomètres parcourus chaque année pour le transport des marins jusqu’au foyer ou jusqu’à la ville. Un bilan devrait être effectué aussi rapidement que possible pour tirer les leçons des premières années d’application de la mesure.

Les associations d’accueil de marins pourraient, si elles le jugeaient utile, étudier l’opportunité de s’engager, avec certains de leurs partenaires membres des commissions de bien-être (ports, armateurs, collectivités territoriales...) dans la création d’une coopérative nationale (ou, à la rigueur, de quelques coopératives régionales) regroupant la partie de leurs activités qui est rémunérée (télécommunications, bar, vente de nourriture ou de souvenirs...), en réinvestissant l’essentiel des bénéfices éventuels pour développer ces activités.

Recommandation de niveau 3
Il paraît nécessaire que, dans le cadre de ses responsabilités issues des conventions de l’OIT, l’administration rappelle, dans l’enceinte des commissions portuaires de bien-être, que les associations de marins doivent bénéficier d’un traitement aussi équitable que possible dans l’ensemble des GPM.

Rapport complet avec ce lien